Le mythe de Tadej Pogacar surdoué chez les jeunes et vainqueur du Tour de l’Avenir à 19 ans va en prendre un coup avec l’analyse que nous vous proposons. En effet, nous avons retrouvé les KOM Strava sur les étapes du Tour de l’Avenir 2018 et du Tour d’Espagne 2019. Ce qui nous permet de calculer les puissances développées par Tadej alors qu’il avait presque 20 ans et non à peine 19 ans comme cela est souvent véhiculé. On peut donc évaluer sa progression fulgurante, et la comparer à celle des coureurs tel que Thymen Arensman ou Brandon McNulty.
Avant, rappelons que Tadej à certes remporté une belle course par étape en junior, le Giro della Lunigiana, et qu’il a terminé 3ème des championnat d’Europe (battu par deux Français). Mais si l’on compare cela avec un vrai prodige comme Remco Evenepoel, qui à remporté 5 courses par étapes, et tout les championnats du monde et d’Europe en CLM et sur la course en ligne. On comprend vite que Pogacar n’est pas un surdoué, il est bon, mais il est loin d’être le meilleur cycliste du monde.
Pendant le Tour de l’Avenir 2018, nous allons nous intéresser à l’ascension de la Station de Méribel sur une étape courte de 35 km qui permet d’évaluer les puissances maximales sur 30 minutes avec peu de fatigue compte tenu du fait que l’étape est courte.

Comme nous avons les puissances de tous les coureurs qui terminent avec Pogacar ou juste après, nous pouvons calculer la puissance standard étalon 70 kg de Tadej Pogacar. Soit 410 watts pendant 29 minutes, c’est ce que pouvait développer Tadej Pogacar à presque 20 ans en 2018 lorsqu’il remporta le Tour de l’Avenir, sans gagner une seule étape et en devançant modestement Thymen Arensman de 1’28 » au classement général. Quant à Jonas Vingegaard il est 66ème à 41′.
Ensuite, nous avons retrouver aussi les KOM Strava sur le Tour d’Espagne 2019 sur lequel il remporte miraculeusement 3 étapes, et termines 3ème du classement général. Et avec les meilleures performances collectés sur les Tour de France de 2020 à 2025 nous avons pu déterminer une puissance standard 30 minutes maximale étalonnée sur un athlète de 70 kg.
En l’espace d’une saison Tadej est passé de 410 watts en 2018 à 440 watts en 2019, puis 460 en 2021. Une progression de 7.3% la première saison chez UAE puis encore 4.5% lors des deux années suivantes. Soit un gain de 11.8% de puissance en 3 saisons. Du jamais vu dans l’histoire du sport sans dopage. Pour vous donner un ordre de comparaison, dans le même laps de temps au même age, un cycliste comme Thibault Pinot est passé de 406 watts 427 watts, soit une progression de 5.2% pour un effort maximal de 30 minutes. Sa progression n’est même que de 3.6% sur des efforts de 60 minutes. Sur la tranche d’efforts de 20 à 60 minutes, Thibault Pinot à progresser de 4.25% là ou Tadej à progresser de 11.8% en 3 saisons.

Nous avons recherché les meilleures performances de Tadej Pogacar sur des efforts de 20 à 50 minutes pour chacune des saisons.
- 2018 – Tour de l’avenir – 409 watts – montée de Méribel (410 watts / 28’53 »)
- 2019 – Tour d’Espagne – 440 watts – Los Machucos (428 watts / 21’22 » en fin d’étape très dure)
- 2020 – Tour de France – 450 watts – Peyresourde, Grand Colombier, Loze, Glières, Planche des Belle filles (454 watt / 16’20 » en fin de CLM de 55′)1
- 2021 – Tour de France – 460 watts – Colombier ( 442 watts / 48’43 »)
- 2022 – Tour de France – 450 watts – Alpes d’Huez, Peyragudes, Planche des Belles Filles, Hautacam
- 2023 – Tour de France – 444 watts – Grand Colombier (429 watts / 44’33 »)
- 2024 – Tour de France – 460 watts – Plateau de Beille (450 watts / 39’40 »)
- 2025 – Tour de France – 465 watts – Hautacam (450 watts / 35’20 ») et Peyragudes (500 watts /17’32 »)
Si l’on observe les trajectoires de Thymen Arensman, second du Tour de l’Avenir en 2018, il a progressé aussi de 4 à 5 % comme Thibaut Pinot, passant de 410 watts à 426 watts environ. Pour évaluer sa progression, nous pouvons nous appuyer sur sa victoire à la Plagne où il développe 406 watts pendant 50 minutes, ce qui donne environ 426 watts sur 30 minutes.
Mais la progression la plus folle est à mettre sur le compte de Jonas Vingegaard. Rappelons qu’il termine en 2018, 66ème à 41 minutes du Tour de l’Avenir. Sur l’étape où nous avons évalué Pogacar, il termine à 7 minutes dans 35 km de course. Sur l’étape de 81 km passant par le Col des Saisies, il termine 110ème à 11 minutes. Le lendemain, il termine 97ème à 17 minutes lors de l’étape arrivant à Val d’Isère. Il est très clair que Jonas Vingegaard n’a pas le niveau pour jouer devant. On peut estimer qu’il était péniblement capable de développer 390 watts « étalon 70 kg » en 2018. Et en 2022 et 2023, il devient capable de produire entre 450 et 460 watts lorsqu’il remporta son premier Tour. Une progression de plus de 15 %.
En quoi la marge de progression est elle un facteur douteux ?
Il est normal de progresser entre l’âge de 20 ans et 25 ans lorsqu’on s’investit pleinement. Mais les données biologiques connues sans recours au dopage ne documentent pas une progression de plus de 7 % en une saison ou presque 12 % en 3 saisons chez un sportif d’endurance qui est déjà très entraîné et qui flirte déjà avec les limites de la performance humaine. C’est un peu comme si un coureur à pied qui court déjà en 29 minutes sur le 10 000 mètres à l’âge de 20 ans, court l’année suivante en 27 minutes, puis en 26 minutes la saison suivante, pulvérisant ainsi le record du monde actuel (26’11 »).
La littérature scientifique est faible pour évaluer la progression du VO2max au cours d’une carrière, mais elle existe tout de même. Par exemple, ce que la plupart des études montrent, c’est que le VO2max entre 17 et 20 ans semble déjà plafonné, et les progressions des sportifs semblent provenir d’autres paramètres que le VO2max, tels que la technique et la force. Toutefois, ces paramètres impliquent une progression lente. L’observation de terrain que j’ai pu avoir avec des cyclistes que j’ai côtoyés de la catégorie cadet jusqu’à professionnel confirme que le potentiel aérobie plafonne entre 17 et 20 ans. Le VO2max atteint son maximum dès que les cyclistes atteignent leur taille adulte. En effet, le VO2max est fortement dépendant de la taille du cœur et du débit cardiaque, ainsi que de la masse musculaire, il est donc logique de voir plafonner le VO2max en même temps que la taille de l’athlète.
David Gaudu, par exemple, a aussi gagné le Tour de l’Avenir à presque 20 ans, et pourtant, sa progression est du même ordre que celle de garçons comme Thibaut Pinot. Les cas Pogacar et Vingegaard sont en dehors de toutes les connaissances normales de la physiologie du sport. Les progressions sont colossales et il est logique de penser que ces deux coureurs réalisent des performances non vierges de manipulations interdites.
- Lors du CLM de la Planche des Belles Filles Pogacar réalise une montée en 16’20 », il devance Richie Porte qui monte en 16’39 », ou Richard Carapaz en 17’26 » 389 watts pour 62 kg. On peut donc calculer que Pogacar à développé 454 watts étalon 70kg pendant plus de 16 minutes à la fin d’un CLM de 55 minutes. Ce qui suggère que Tadej était capable de fournir 450 watts pendant 30 minutes dans aucun problème. ↩︎
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Édifiant, merci pour votre analyse exhaustive et pointue.
Bonjour.
Attention les pourcentages ne s’additionnent pas ! La progression de 7,3 % puis 4,5 ne donne pas 11,8 mais 12,1% (pour passer de 410 à 460 W !!!) Ce qui est encore plus fort.
Bonjour,
Vous parlez de course à pied et de VO2 max dans les jeunes années c’est un sujet que je connais assez bien.
J’ai un passé de coureur de très bon niveau (1500, 3000, 3000steeple).
Je vais tout à fait dans votre sens pour ce qui concerne la précocité du VO2 max.
J’ai commencé l’athlétisme à 16 ans, avec un entrainement soutenu à partir de 17 ans (5 fois par semaine) puis quotidien à partir de 19 ans.
Durant ces années de formation je ne pratiquait pas forcément de gros volumes mais pas mal d’intensité (seuil, vma, vitesse) pour être compétitif sur ces formats courts. Après une petite interruption vers 21/22 ans j’ai repris cette fois sur un rythme type de haut niveau, 9 à 10 entrainements hebdo pour 100 à 140km par semaine.
Mon VO2 max était déjà assez élevé à 19 ans, âge où l’on m’a fait passer mes premiers tests, autour de 75ml/min/kg (VMA 21 km/h). Il a atteint un peu plus de 80ml (VMA >23 km/h) entre 24 et 29 ans, période où j’ai été le plus performant. Ma VMA a un peu plus progressé dans ce laps de temps que mon VO2 max parce qu’il y a aussi des facteurs de force, de motricité, d’efficacité qui impactent le rendement mécanique de la foulée (bien plus qu’en vélo) et il faut bien 4 ou 5 ans pour devenir coureur (d’ailleurs un des trucs qui a relancé ma carrière vers 27/28 ans a été la découverte de la muscu lourde). On peut donc améliorer sa vitesse de course sans vraiment progresser au niveau cardio-respiratoire.
La progression chronométrique est plutôt venue d’une augmentation de ma capacité à soutenir plus longtemps ces hautes intensités, et plus généralement d’une augmentation de l’endurance (temps de soutien) à toutes les allures situées entre l’endurance fondamentale et la PMA. Beaucoup de fractionné court et beaucoup de travail au seuil (c’était la mode dans les années 80/90). La progression sur les courtes distances s’est donc accompagné d’une progression régulière sur les efforts plus longs entre 30′ et 1h, 10km, 15km, semi, même si je n’ai jamais vraiment cherché la perf sur ces distances.
Merci de votre témoignage.
En effet, l’augmentation de la force musculaire permet chez certains sportifs d’endurance de progresser sans augmentation du VO2max. Cela est peu connu, et c’est pourtant bien documenté. Le rendement des contractions musculaire devient un peu plus économe si le niveau de force maximale augmente.