Les puissances dans le Mont Ventoux en 2013 (Froome et compagnie)

Après l’estimation de puissance dans le Mont Ventoux que j’ai produit dimanche soir, j’ai trouvé hier matin les infos concernant Markel Irizar qui à publié chez SRM son fichier puissance. Seul inconvénient, on ne peut pas accéder au fichier source, on doit se contenter d’image de la courbe. Ce n’est pas pratique pour valider l’équation mathématique qui me sert à mesurer la puissance.

Toutefois, de ces informations, on découvre déjà l’ampleur de l’étape d’hier.

6849 kilojoules produit, ce qui représente une dépense énergétique de 7000 kcal en plus du métabolisme de base, soit plus de 9000 kcal envolées.
Puis la puissance moyenne de l’étape : 305 watts, soit 290 watts en watt étalon 69kg.

Et bin, 290 watts pendant 6h10 en gros, mon record sur 6h10, c’est 250 watts lors du Triathlon d’Embrun 2010 ou je prenais un modeste 5ème temps à 10′ de Marcel Zamora. Autant dire que Marcel serait relégué à plus de 20′ par Markel Irizar.

Concernant le début de l’étape, attention ça ne plaisante pas, 342 watt pendant 1h11… ou la la cela ne plaisante pas. Mais c’est tout à fait possible en début d’étape, de nombreux élites amateurs sont capables de produire de telle puissance sans dopage. Bon après, je ne sais comment il termine l’étape ?

Dans le Mont Ventoux, nous n’avons que le temps depuis Bédoin, alors que j’ai pris des mesures dans le virage de St Estève, car au début la pente n’est pas très raide, et il y a une forte exposition au vent.

On y voit que Irizar à mi 1h19 pour parcourir 20.7 km à une puissance de 324 watts. Le début de l’ascension est très intense, car il se trouve encore échappé avec Riblon. Puis lorsque le peloton le rattrape au bout d’une quinzaine de minutes, il va terminer l’ascension bien moins vite, autour de 310 watts environ. Nous ne pouvons pas évaluer facilement son temps du virage de St Estève au sommet. On détecte bien dans la courbe de vitesse le moment ou la vitesse chute brutalement, mais le temps est assez imprécis.

Tentons quand même l’opération :

Ci-contre vous pouvez voir le moment où la vitesse baisse brutalement lorsque Markel arrive dans le virage à gauche de St Estève. En effet, à cet endroit, la pente passe de 4-5 % à 8 à 10 %, c’est vraiment là que commencent les choses sérieuses.

C’est environ au bout de 10′ à 11′ que Markel Irizar entame cette portion. Il terminera le reste de l’étape en 1h08 environ, à plus de 19′ de Froome.

On peut à partir des écarts à l’arrivée et ce zoom, évalué le temps de montée entre 1h08 et 1h10″ pour Markel Irizard. Sa puissance autour de 310 watts. Tout cela est très approximatif, j’en conviens.

Mais si je rentre ces données dans mon modélisateur, j’obtiens entre 290 et 295 watts, ce qui est bien inférieur à la réalité évaluée avec le SRM de Markel ? Mon modèle aurait sous-estimé Markel Irizar de 15 à 20 watts. Mince alors…. est-ce à cause du vent ?

Sinon, dans une autre hypothèse, le SRM n’est pas à jour, les jauges de contraintes n’ont pas été remises à zéro. Le couple est donc faux et la puissance avec. Cela arrive, les SRM comme les powertap ont besoin d’une remise à zéro du couple régulièrement.

Bref, il me faut trouver d’autres sources pour tenter de comprendre ce qui pourrait faire que j’ai sous-estimé la puissance de Irizard, et peut être celle de tous les autres. Je pense que c’est le vent qui semblait défavorable à plusieurs endroits (1ere partie et dernière partie de la montée).

Autres puissances sur le Mont Ventoux

En 2009 le Mont Ventoux était emprunté sur les routes du Tour, et Chris Anker Sorensen avait publié son fichier puissance, il réalisait 360 watts pour 64 kilos en 1h02’14 », soit l’équivalent de 388 watts en puissance étalon.  Le Néerlandais Laurens Ten Dan cette année à publié son temps sur strava. Il monte les 20.6 km en 1h00’18 ». Quant à Froome, il monte en moins de 59′ compte tenu des écarts à l’arrivée. Fred Grappe dans un article de la presse parle de 378 watts sur cette portion. ???? J’aimerais qu’il nous explique comment il arrive à une puissance de 378 watts pour un temps de moins de 59′, là où toutes les puissances historiques mesurées officiellement avec capteur et par modélisation nous donnent autour de 400 watts pour 1 heure. Même dans ses livres, si on regarde les calculs qu’il a produit sur le mont Ventoux, on voit qu’il estime Casar à 383 watts en 1h03’25 », Di Gregorio à 373 watts en 1h04’52 », ou encore Chavanel en 1h02’34 » à 389 watts. Et là d’un seul coup, moins de 59′ = 378 watts pour Froome ? Peut être à t-il eu accès à des infos que nous n’avons pas, si c’est le cas il serait intéressant qu’il les partages afin d’affiner nos estimations. Après tout, il peut se tromper, je me suis trompé moi aussi dans le calcul du dernier km en surestimant la puissance de plus de 30 watts.

Enfin, il est intéressant de rappeler les performances record de Meckx en 1971, à une époque ou le dopage existait sous forme d’amphétamines, cortisone, et peut être le début des stéroïdes anabolisants. Exit donc l’EPO, mais les premières transfusions sanguines quant à elles, furent déjà employées dans les années 70. (Lars Viren vainqueur du 5000 et 10.000 m au JO de Munich pulvérise les records grâce à la technique de transfusion sanguine.)

Eddy Merckx remporte donc l’étape de 170 km en 5h47, soit un petit 30 km/h de moyenne.(1)

Son temps dans la montée est tout de même impressionnant avec un vélo de 10 kilos  en 1h01’42 à 403 watts en appliquant le même modèle mathématique. Étonnant, non ? ( voir documentaire Arté du 15-07-13 Les rois du Mont Ventoux)

Mais il faut rappeler que Merckx n’a pas d’égal dans le cyclisme, il dominait outrageusement son sport, il était un véritable miraculé, capable de tenir 49.431 km sur le record de l’heure avec un vélo traditionnel, ce que peu de pros seraient capables de faire aujourd’hui. Eddy Merckx est certainement, le cycliste le plus fort de tous les temps. Son palmarès parle pour lui.

Enfin, sur cette étape de 170 km, les coureurs n’ont pas fait la course avant l’approche du mont Ventoux. La moyenne de 30 km/h en atteste. là on peut vraiment dire que les coureurs se sont économisés en roulant à moins de 200 watts dans les roues d’un peloton qui les amène au pied de la course de côte.

En attendant, je souhaite commenter les propos de Dave Brailsford, manager de Sky«C’est de la pseudo-science » « Si l’on publie les données de puissance des coureurs, personne ne saura vraiment les analyser. On peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres. Et ce sont nos secrets de travail.»

Ce dernier nous informe que Froome à un VO2max assez constant entre 79 et 85 ml/min/kg. Bon, alors je vais expliquer en quoi ce n’est pas plus de la pseudo science que les contrôles antidopage que de s’appuyer sur les puissances. Le corps humain est soumis à des lois qui sont des constantes universelles. Ainsi la gravité est une constante. Et bien une autre constante est celle-ci : un litre d’oxygène consommé par nos cellules aboutie à la production de 21 kilojoules d’énergie. Partant de la, si Froome dispose de 85 ml/min/kg on peut mesurer la quantité d’énergie dont il peut disposer : 85 * son poids (68kg) = 5.78 litre d’oxygène par minute. Donc 5.78 * 21 = 121,38 kilojoules en une minute.

Maintenant pour connaitre la puissance maximale, c’est simple, on divise le travail par le temps d’effort : ce qui donne : une puissance maximale aérobie métabolique réelle de 2023 watts. Cette puissance est la puissance métabolique totale. En effet, le corps humain à l’effort produit aussi de la chaleur. C’est pourquoi nous avons chaud, nous transpirons pour refroidir le corps. En fait, lorsque vos muscles se contractent, 75 à 80 % de l’énergie est convertie en chaleur et le reste seulement sert à avancer.  En cyclisme, les meilleurs rendements métaboliques peuvent être de 24 %, ce qui donnerait à Froome 485 watts  de PMA avec un rendement exceptionnel de 24 %. (2023* 0.25=485).

Tenir 420 à 430 watts pendant 23′ c’est tenir 87 à 89% de PMA. Ceci me parait hautement improbable en pratique. Je n’ai jamais vu un coureur très entraîné capable de tenir de tels % de PMA après 4 ou 5 heures de vélo en course. En fait, cela est possible en course à pied si l’on parle en pourcentage de VMA sur une course de 5 ou 10 km. On peut donc courir à 90 % de sa vitesse maximale aérobie pendant 5 km. Mais il ne faut pas confondre VMA et PMA. On fait souvent ce raccourci dans les livres et dans les propos d’entraîneurs. En effet, en course à pied, la relation puissance mécanique et vitesse de course n’a jamais été prouvée, et tous les indices laissent penser que la puissance mécanique augmente plus vite que la vitesse.

Dans le Ventoux Froome auraient tenu 82 à 83 % de PMA pendant 48′. Si on tient compte de l’altitude, on peut vraiment être interpellé, car cette composante ne semble avoir aucun effet sur le Grand Froome.

Si un jour Froome tombe pour dopage, il sera jeté en pâture dans la presse, mais il ne faudra pas lui jeter la pierre, comme le feront les médias après l’avoir porté au sommet. Il faut plutôt essayer de comprendre pourquoi depuis 1998 le cyclisme et le monde en général sont aussi incapables d’initier un virage sérieux dans le bon sens, celui auquel nous aspirons tous un peu, beaucoup….

Note :

(1) : http://www.lagrandeboucle.com/article.php3?id_article=1839


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